
Comment des patronymes Auvergnats se retrouvent dans le Nord-Ouest de la France ?
Cette question, je l’ai entendu il y a quelques temps déjà. Elle faisait suite au fait que le patronyme de Lucie, est d’origine Auvergnat mais elle, est né en Vendée. En fouillant son histoire, elle découvre ses aïeux au patronyme Auvergnat vivant dans la province de Bretagne, entre les Côtes-d’Armor et l’Ille-et-Vilaine.
La première réponse qui me vint alors en tête fut qu’ils ont probablement migré vers l’Ouest pour le travail, réponse somme toute logique mais qui ne répond pas au pourquoi, au comment, à quelle époque, avec qui? Bref, à toutes les questions qui en découlent et qui, sans réponses ne peuvent inscrire l’histoire de la lignée finalement.
Mais avant tout, petite leçon de géo!
Si depuis 2015, l’Auvergne est comprise dans la région Auvergne-Rhône-Alpes comprenant 12 départements, historiquement, on l’associe bien souvent qu’au territoire du Puy-de-Dôme. Son histoire nous emmène pourtant à parcourir plusieurs départements (depuis 1790) et avant Provinces.

Avant la Révolution
Remontons le temps et découvrons l’Auvergne : la haute Auvergne et la basse Auvergne.


L’Occitan pour genèse patronymique
Bien que l’Auvergne est l’ancien territoire du peuple celte des Arvernes, dont elle tire son nom, les patronymes aux origines Auvergnates sont donc apparus dans le Puy-de-Dôme certes, mais avant cela, dans le Cantal, le Velay et en dernier lieu, le Bourbonnais.
L’auvergnat fait partie des langues d’Oc, les noms qui en découlent (Patronymes, Toponymes) prennent racine depuis les ancêtres des noms de famille soit, les surnoms, les localités, les métiers pour ne citer qu’eux. La langue d’Oc à la particularité d’accorder en genre et en nombre les noms, si bien que la forme féminine ou pluriel d’un nom peut se rencontrer.
Concernant Lucie, l’étymologie de son patronyme provient de son plus vieil ancêtre dénommé, aux alentours du Xe / XIIe siècle, et qui nous apprend qu’à priori, il fut propriétaire d’une grosse exploitation agricole et plus exactement, d’un mas.
Et donc, Comment mes ancêtres Auvergnats se sont retrouvés dans le Nord-Ouest de la France ?
Dès le milieu du XIXe siècle, bon nombre d’Auvergnats migrent sur Paris. En cause, la misère, les crises agricoles. La France qui est en pleine révolution industrielle, voit les Bougnats investir le tout Paris, enfin plus exactement le XIe arrondissement, à la recherche d’une vie meilleure. Ils sont majoritairement marchands de vin, ferrailleurs, charbonniers, cireurs de parquets mais aussi, au fil du temps, investissent le commerce et toutes les classes sociales.

Mais ça, c’est l’histoire que l’on connaît le plus au sujet des Auvergnats, sauf que, ça ne nous dit pas comment ils sont arrivés dans le N.O ! Effectivement, ces migrations sont bien moins connues. Est-ce dû au fait que les communautés étaient moins grandes ? Je ne crois pas. Venez avec moi, on file en Breizh !
Auvergnats dans le Nord-Ouest : de migrations saisonnières à l’implantation professionnelle puis sédentarisation
A vrai dire, l’histoire des migrations Auvergnates en Bretagne, est principalement celle des marchands chaudronniers.
Nous voici au XVIIe siècle à la pointe de la Bretagne. Nous retrouvons ici plutôt les Cantalous, ces marchands itinérants, originaires de la Haute-Auvergne et plus exactement, de la Vallée de L’Authre et villages alentours. On les voit quelques temps puis ils repartent dans leurs montagnes en moyenne 6 mois avant de revenir, 18 mois, parfois moins. Ce sont des « saisonniers » contrairement aux émigrants Auvergnats se dirigeant en Espagne où la migration est dite « temporaire », la durée étant plus longue. Cette nuance est mise en lumière par Lefèvre d’Ormesson, intendant de la généralité de Riom en 1697, dans son Mémoire concernant la province d’ Auvergne. Il précise que la migration temporaire concerne environ 5000 hommes : ce sont des » porteurs d’eau, palefreniers, moissonneurs, maçons ou faucheurs » (A. Poitrineau, 1962).
Lorsqu’ils prennent la route, en direction de la Bretagne (mais aussi de l’Espagne, la Hollande, la Belgique), on les trouve en bandes, accompagnées de leurs bourriques, emportant avec eux, matériel et batterie d’ustensiles de cuisine et autres ménagers. Ils sont marchands chaudronniers. Ils vendent mais aussi réparent « casseroles de cuivre rouges, marmites, chauffe-lit, chandeliers, chaudrons… » [2].
Bien souvent, du moins au début, ce sont les hommes célibataires qui prennent la route ou bien, des fils de marchands forains. Puis, pour faire simple, vint le moment où la rencontre avec la Bretonne survient ou encore tout simplement le fait que le cœur s’attache à la région, alors notre homme se fixe, s’installe dans sa masure qui fait aussi office de magasin. C’est de cette façon que nous avons fait la connaissance d’Antoine Dandurand, l’ancêtre du côté maternel de notre fameux Percot, dont l’histoire est accessible ici et qui nous donne un autre axe dans la compréhension de son histoire …
Mais revenons à nos casseroles ! Les Bretons de cœur, amènent avec eux leur famille ou leur donne envie de venir. En tout cas, on rencontre dès le XVIIe siècle et encore plus au XVIIIe siècle, des Cantalous en communauté en Cornouaille Française : Morlaix, Quimper, Pont-l’Abbé, mais aussi à Rennes ou encore, dispersées sur le territoire. Les écrits nous permettent de situer les premiers mariages entre Auvergnats et Bretonnes aux alentours de 1750 (Duigou, ibid,.). Principalement, ces unions s’effectuent avec des filles de commerçants ou d’artisans ou encore, d’instituteurs. Cela établit de fait, la classe sociale.
C’est dans ce contexte de sédentarisation que Duigou a fait l’observation de mutations patronymiques :

Rigal et Marie, Bretons d’adoption
J’ai rencontré Rigal Giraud DELMAS et Marie TOURTOULOU, installés à Romillé, ainsi que leur fils, Bernard, dont c’est le mariage aujourd’hui. Rigal et Giraud sont deux prénoms typiques de la région Auvergne; Rigal a donné le patronyme dont les variantes sont Rigall, Rigaut, Rigault … et qui signifie rouge-gorge en langue d’oc. Il est principalement porté dans le quart sud-ouest de la France. Concernant Marie, son patronyme tien sa signification « de l’ancien français tortel qui signifie le pain rond / la tourte ce sobriquet indique la fonction ancestrale : boulanger » [3]. Tous deux, rien qu’à leur dénomination, représentent leurs origines géographiques.
Rigal est marchand chaudronnier Auvergnat qui a migré en Bretagne entre 1760 et 1780. Il est donc un protagoniste de l’histoire de ces migrations. En 1760 naît son fils Bernard en son domicile sis paroisse Saint-Simon dans le Cantal. Puis, voilà que la petite famille se sédentarise dans l’ancienne province de Bretagne, aujourd’hui, l’ Ille-et-Vilaine. Bernard épouse Perinne Dupas, native de la région, nous sommes alors à Evran, paroisse de la famille Dupas, le 19 juin 1787.


AD22 Evran – RP 1540 à 1792 – vue 97/345.
Bernard et Perinne donnent naissance à quatre enfants en pleine période d’insurrection. Ils perdent le dernier âgé de 17 mois. Est-ce alors là, le déclic ? Quelques années plus tard, on les retrouve domiciliés en Vendée. C’est de cette façon que l’on retrouve des patronymes aux origines Auvergnates au sein des contrés du Nord-Ouest de la France aujourd’hui. Les migrations, les exils reflètent bien souvent des conditions de vie insatisfaisantes et pauvres pour un plus bel avenir.

Quelques patronymes aux origines Auvergnates :
Le Top 50 des noms dans le Cantal
1/ Serre (1314 naissances entre 1891 et 1990)
2/ Vidal (1314 naissances)
3/ Robert (1085 naissances)
4/ Bonnet (981 naissances)
5/ Lafon (967 naissances)
6/ Delmas (967 naissances)
7/ Boyer (931 naissances)
8/ Vigier (915 naissances)
9/ Roux (882 naissances)
10/ Dumas (882 naissances)
11/ Laporte (871 naissances)
12/ Roche (850 naissances)
13/ Lavergne (839 naissances)
14/ Magne (839 naissances)
15/ Fabre (820 naissances)
Sources :
[1] Poitrineau Abel. Aspects de l’émigration temporaire et saisonnière en Auvergne à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle. In: Revue d’histoire moderne et contemporaine, tome 9 N°1, Janvier-mars 1962. pp. 5-50.
[2] Duigou, S (n.c). L’immigration auvergnate à Morlaix et sa région. Consulté sur https://www.shabretagne.com/scripts/files/5f4714a7d73c84.62985004/2002_04.pdf, 2022.
[3] Nom de famille consulté sur https://www.filae.com/nom-de-famille, 2022.