La lavandière de Chavagnes-de-Montaigu*

La lavandière de Chavagnes-de-Montaigu*

Après qu’un de mes amis m’ait raconté qu’il descendait d’un Brigand de Grasla des Guerres de Vendée, j’ai décidé d’aller jeter un œil du côté des origines de ce brigand. En me promenant au sein des archives, voici que je tombe sur un curé qui nota les circonstances pour lesquelles il devait inhumer une vieille femme. C’est ainsi l’occasion de vous présenter ce que l’on peut trouver dans ces anciens registres et, d’une pierre deux coups, nous entraîner à lire ces écritures à la plume.

La lavandière Chavagnaise

On connaît tous plus ou moins, le terme lavandière comme l’ancienne profession de blanchisseuse et plus familièrement, de laveuse (de linge). On n’emploie plus cette expression aujourd’hui, la technologie ayant remplacé à la fois, le terme et la profession, pour notre plus grand confort !

Nous voilà donc au début du XVIIIe siècle et à cette période-là, les femmes allaient aux lavoirs pour la corvée du linge. Pour Chavagnes-de-Montaigu, plus communément connu comme Chavagnes-en-Paillers, on descend à la Petite Maine lors de la corvée du linge. Cette petite rivière traverse la paroisse et marque la frontière avec Montaigu au Nord et la Rabastelière au Sud.

Collection Meunier – 1 Num 20 3/429

Cette même bourgade a vu passer de nombreux villageois, et ce, depuis l’époque Gallo-Romaine. Tour à tour, on se sert de l’eau pour y installer des moulins, mais aussi, pour la corvée du linge. D’ailleurs, on recensera encore au XXe siècle à Chavagnes, une dizaine de lavoirs situés entre le bourg et les hameaux alentours. Le lavoir municipal lui, prend sa source depuis l’étang du château de l’Eulière dit aussi l’Huilière, aujourd’hui l’Ulière.

1 Num 20 2/65-2 – Le château de l’Ulière

Le destin tragique de Perrine Gillot

C’est justement là – non loin du moulin à eau de Jeanne GOURRAUD, veuve GRIS – à l’étang de l’Ulière qu’en 1712 se produisit un fait tragique. Le 6 octobre 1712 était le jour de la lessive. Levée aux aurores, la blanchisseuse organisait sa journée en plusieurs étapes : tout d’abord on descend au lavoir pour faire le prélavage du linge puis, on déjeune et, quand vient l’après-midi, on met le linge à bouillir dans les cuviers.

Cette matinée d’automne 1712, la mère GILLOT, 72 ans, paroissienne Chavagnaise depuis toujours, prépare son attirail : elle emmène en plus de son trousseau de linge, un bac en bois pour s’agenouiller près de l’eau, une planche en bois pour y taper son linge, le battoir qui va avec ainsi que sa brosse en chiendent, et surtout, du savon ou de la cendre. Une fois équipée, la voilà qui part en n’oubliant pas sa brouette afin de pouvoir remonter le linge une fois mouillé. À quelques mètres de son domicile, la mère Gillot, de son petit nom Perrine, arrive à l’étang du château de l’Ulière, là où elle a l’habitude de faire sa lessive. Elle prend place en installant son bac au ras de l’eau et organise son travail en plaçant chaque ustensile de manière à besogner efficacement. Toutefois, on imagine aisément que la méthode est rudimentaire et les lieux pas forcément très sécures !

Et la voilà qui trempe, qui frotte, qui trempe et qui frotte et ce ne sont pas ses soixante-douze chandelles qui vont l’empêcher de venir à bout de la crasse. La crasse justement, il devait très certainement y en avoir puisque les lessives se faisaient tous les deux mois environ, pour ne pas dire trois. Habituellement, les lavoirs étaient peuplés de plusieurs lavandières, c’était l’occasion de papoter, de rire et de faire circuler les cancans. Pourtant, en cette journée d’automne 1712, Perrine était vraisemblablement seule à l’étang de l’Ulière et on ne sut jamais ce qui se passa mais, en un éclair, les coups de battoir cessèrent, Perrine GILLOT venait de passer de vie à trépas.

C’est ainsi que :

AD 85 Chavagnes-en-Paillers – Registres paroissiaux -Baptêmes, Mariages, Sépultures – 1704-1717 – AC065 – vue 117/ 185.

« le 7 octobre 1712, a esté inhumé le corps de

deffuncte Perrine Gillot, aagée d’envyron soixante

douze ans, décédée d’accident […?] s’estant

noyée en lavant du linge à l’étang de la maison

noble de l’Ulière, y estant tombée ou par une

faiblesse de cœur, ou par autre hasar(d) infortuné,

ont esté présent a son enterrement Alexandre

Fonteneau et André Rois, René Poutiere et

autres. Signé, J Buchelou, curé ».

Ce fait a-t-il concouru à la naissance des Lavandières de nuit, cette fameuse légende qui raconte qu’elles apparaîtraient la nuit, annonçant une mort prochaine à celui qui croiserait son chemin. Condamnées à laver et relaver les langes de leurs victimes, elles attirent à elles, les âmes naïves qui tenteraient de les aider … Les Chavagnais entendent-ils de nos jours le chant du battoir de la lavandière de l’Ulière, chant ressemblant comme deux gouttes d’eau au coassement des grenouilles en soirée, lorsque la nuit tombe ? Légende ou fait réel, au XIXe siècle, George Sand s’en inspira pour écrire ses « Légendes rustiques » (1858), et Yan’ Dargent, un peintre Breton qui fut lui aussi, élevé selon ces récits légendaires, peint le célèbre tableau  » Les lavandières de la nuit  » (1861).

Yan’’Dargent (1824-1899) – Les Lavandières de la nuit, vers 1861 – Huile sur toile, 75 x 151 cm – Musée des beaux-arts de Quimper © Musée des beaux-arts de Quimper

* Avant la révolution, on désignait celle que l’on appelle aujourd’hui Chavagnes-en-Paillers de différentes façons comme: Chavagnes-de-Montaigu ou encore, Chavagnes-lès-Montaigu et enfin, Chavagnes-Montaiguais; consulté sur Gallica.fr dans « Échos du bocage vendéen ». Source : ark:/12148/bpt6k9742629s.

Image de fond: http://annacatharina.a.n.pic.centerblog.net/o/764afd89.jpg

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