Aimé BESSONNET et le goût de la Liberté : de journalier à prisonnier de guerre, une destiné de résilience

Lui, c’est Aimé, de son état-civil Aimé, Léon, Armand Bessonnet. Malgré ses lèvres pincées, son épi indomptable, ses grands yeux noirs en amandes et son long visage fermé sur la photo, Aimé est doux comme un agneau et plus gentil que ne l’est la gentillesse
Il est né le 6 juin 1907 à Aizenay, Vendée. Fils aîné de Aimé BESSONET et Mélanie Léonide Praud, un couple de cultivateur. Il a hérité des traits physiques maternels et des valeurs morales paternelles : la légende raconte qu’il incarne pleinement son prénom, tout comme son père.
Le 4 aout 1914, Aimé à 7 ans et alors que sa maman est à deux mois de donner naissance à son sixième enfants, Aimé le pater, et Aimé Constant BESSONNET, oncle, sont mobilisés [1] à ce qui sera la Grande Guerre. Le père le sera jusqu’au 12 mars 1915 mais dans la Territoriale, tandis que l’oncle et parrain du sixième enfant d’Aimé et Mélanie, décède à la bataille de la Marne ( à Mesnil-lès-Hurlus) ce même mois de l’année 1915. Aimé père réintègre son foyer seul.
En 1916, Aimé devient l’aîné de son quatrième frère et de sept enfants puis en 1919, de sa troisième sœurs et dernière arrivée de la famille. Il a presque 10 ans mais est déjà au travail. Ses parents sont métayers, il se forme donc aux travaux agricoles rapidement. Il choisira ainsi de louer ses bras.
En effet, élevé au sein d’une grande fratrie et issue de familles de cultivateurs, tous sans exceptions, travaillent la terre. De plus, ils ne sont que de grandes familles, il faut donc se rendre là où se trouve le travail. Aimé se constitue donc Journalier.
Ainsi, il se déplace aussi bien sur Aizenay que Maché, Landeronde, Beaulieu, Saint-Paul-Mont-Pénit et bien plus encore ! Et puis voila qu’un jour, et il le sait qu’il n’y coupera pas, il a 20 ans !
Le service militaire universel depuis 1905 l’appel pour environ deux ans ! Aimé prend la vie comme elle vient, il assume ses responsabilités et tente de ne pas s’en faire. Cela d’ailleurs, il ne le sait pas encore mais il le transmettra à ses descendants.
Dans les faits, incorporé au 137e RI de la RSY, il est soldat de 2e classe jusqu’en novembre 1928 où il passe dans la disponibilité. Franchement, y a pire comme façon de faire ses armes ! Il aurait pu être caserné loin de chez lui par exemple. La Disponibilité le rattache au 118e RI de Quimper quant la Réserve l’inscrit au 113e RI de Blois.

En 1928 donc, Aimé retrouve sa campagne et les travaux des champs. Au sein de la communauté, il se rapproche de Gabie, une des filles Ordonneau des Flachausières [2]. Deux années s’écoulent et voilà qu’apparaissent devant chez les familles Bessonnet et Ordonneau, des houx plantés devant les maisons : Aimé et Gabie vont se marier ! La tradition de planter des houx devant le domicile symbolise la protection via les épines pour vivre une longue et heureuse vie.
Le mercredi 18 juin 1930, à 9h30 du matin en la maison commune de Landeronde , Aimé et Gabie se disent oui devant Constant Ferré dit Monsieur le Maire. Ainsi, Aimé rejoint le clan Ordonneau et prend ses quartiers à Maché. Rapidement, Gabie est enceinte et donne naissance le lundi 19 octobre 1931 à leur premier enfant et petite fille, Madeleine. Suite à ce changement familial, la petite famille quitte Maché et s’installe dans le bourg de Landeronde, face à l’église. Ici, naîtront en 1934 leur seconde petite fille et en 1937, leur unique « héritier ».
Et la vie suit le cours des moissons, des vendanges, des récoltes, des battages … mais le ciel s’assombrit. Septembre 1939, le tocsin retentit à Landeronde et villages alentours, c’est la Mobilisation Générale ! Egalement, sont rappelés les réservistes. Aimé, bien que père de trois enfants vivants, n’y échappe pas !

Le temps de préparer son paquetage, d’embrasser femme et enfants et le 2 février 1940, Aimé arrive à Montluçon, au 121 RI. De là, il passe finalement à la 22e section des C.O.M.A (Commis et d’Ouvriers Militaires d’Administration) [3], le 8 avril 40. Lui, il est plutôt ouvrier chargé de s’occuper de l’intendance du bétail en lien avec sa profession initiale. Toujours est il qu’il suit les troupes auxquelles il est rattaché. Le 5 novembre 1940, cela fait 7 mois qu’il n’a plus vu ni femme, ni enfants et il n’est pas prêt de les revoir : il est fait Prisonnier de Guerre (PG) et envoyé au Frontstalag 150 sise dans l’Yonne à Saint-Florentin. Le principe des Frontstalags est que la captivité est provisoire puisque ce sont des camps de transition : assez rapidement, les prisonniers sont dirigés vers l’Allemagne.

A Saint-Florentin, des organisations sont rapidement mises en place durant l’été 40 pour faciliter les évasions des prisonniers, malheureusement, Aimé est prisonniers avec 9000 autres dans le département qu’en novembre 1940. A cette période-là, les Allemands sont déjà plus organisés et les évasions moins faciles. De plus, la crainte de partir pour l’Allemagne soumet le prisonnier. Mais Aimé a trop besoin de sa liberté !
« Le rappel commence fin novembre ; les PG sont alors convoqués par les autorités d’occupation. Craignant à juste titre un départ en Allemagne, 2500 à 3000 d’entre eux ne répondent pas à l’appel et sont recherchés par les autorités d’occupation. Ceux qui sont repris ou ceux qui ne se sont pas évadés sont conduits en Allemagne dans des Stalags. Un train de douze wagons de PG quitte Joigny le 26 mars 1941 en direction de Troyes » [4].
Aimé fait partie de ceux qui ne répondent pas à l’appel [5]. En écrivant à Gabie quelques temps après, il précisera qu’il est en zone libre avec des « copains » au sein d’une ferme. Il travail pour une propriétaire dont le mari est à la guerre. Selon ce qu’il rapporte, il va bien et il vit bien !

L’été 44 signe La libération de la France, c’est le débarquement des alliés en Normandie puis la libération de la Provence. S’ensuit, la libération du territoire jusqu’à décembre 1944. Les derniers captifs en Allemagne ne rentreront qu’en 1945.
Aimé est rentré dans ses foyers à la fin de l’été 44 puisque à l’été 1945, Gabie donne naissance à leur dernier enfant et petite fille. Dès lors, la famille part s’installer à Beaulieu-sous-la-Roche, au Deffend, sur la route de Martinet. La vie reprend son cours, comme si rien ne s’était passé …
Aimé BESSONET était un homme dont la mémoire familiale conserve de lui beaucoup de jolies qualités. Il était aimé par tout le monde et chérissait la vie, sa famille, la nature et l’insouciance. Il connut par deux fois la guerre, la première le privant en partie de son père et lui vola son oncle, et la seconde qui lui fit prendre le risque de perdre la vie par son insatiable désir de liberté. Aimé entretenu quelques temps une correspondance avec la propriétaire de la ferme dans laquelle il fut « captif ».
Malheureusement, le 17 aout 1961, alors qu’il rentre à la maison à la fin de sa journée de labeur, il rencontre le père Chevolleau et le père Babin sur la route. Les trois compères bavassent brièvement au milieu de la route. Il faut dire que la nuit est en train de tombée, il fait encore bon et la voie est bien dégagée. Mais soudain, une voiture arrive droit sur eux et évitant de justesse les engins agricoles postés au bord de la route, renverse Aimé et le projette dans le fossé. Il ne s’en relèvera pas. Il avait 54 ans. Il a eu à peine le temps, d’assister aux mariages de ses enfants et de rencontrer ses descendants.

Pour effectuer une recherche militaire aux Archives Départementales : Vous retrouverez en - 1 R Recrutement de l'armée - 2 R Organisation de l'armée - 3 R Anciens combattants et victimes de guerre
Sources :
[1] RECRUTEMENT DE LA ROCHE-SUR-YON: 1R571 – 1901 – LRSY – (4e vol. , n° 1501-2000) – vues 98 et 99 / 776.
[2] Le lieu dit les Flachausières, est situé dans la commune de Maché (85).
[3] C.O.MA : Commis et Ouvriers Militaires d’Administration depuis https://fr.geneawiki.com, janvier 2022.
[4] Les filières d’évasion des PG consulté sur ARORY (Association pour la Recherche sur l’Occupation et la Résistance dans l’Yonne), http://arory.com/index.php?id=81, janvier 2022.
[5] Des milliers de prisonniers de guerre consulté sur http://www.histoire-sens-senonais-yonne.com/pages/gerard-daguin-chroniques-historiques/sens-une-ville-en-guerre-1939-1945/des-milliers-de-prisonniers-de-guerre.html, janvier 2022.