
Assassinat à Saint-Georges-de-pointindoux …
Nous sommes le dimanche 11 décembre 1921, au chef lieu d’une petite commune de Vendée : Saint-Georges-de-Pointindoux (SGP). Il est 21h et c’est au débit de chez Laîsné que le jeune Eugène Chaillot, 19 ans, est à se faire servir son petit canon avant de rentrer se coucher à la ferme « de Lézardière ».
Cultivateur et fils de fermier, lui et sa famille sont installés sur les anciennes terres seigneuriales des Robert de Lézardière depuis plusieurs décennies. En effet, petit- fils de feu Pierre Pondevy, métayer sur ces terres dès 1885, Eugène est le fils de Louise Pondevy, fille, et Eugène Chaillot, et ils ont la réputation d’être des « ensorceleurs », du moins, d’avoir des pouvoirs surnaturels pouvant causer maléfices ou accidents aux hommes et aux bêtes. Qu’a-t – il bien pu se passer pour que cette familles soit ainsi accusée? Et bien, il n’y a pas vraiment de réponse à cette interrogation, seulement, huit ans auparavant, la famille Chaillot fut accusée par le Sieur Archambaud, leur voisin, d’y être pour quelque chose dans la mort de plusieurs tête de bétails. Et depuis ce temps, on les regarde de travers.
Un siècle plus tard, après recherches de témoignages et de vieilles mémoires, c’est le néant. Toutefois, on se souvient que les Chaillot ont subit un épouvantable drame.
En cette nuit d’hiver 1921, Eugène est donc au café lorsqu’entre 22h15, 22h30, il se décide à rentrer chez lui. C’est alors qu’il part du bourg et prend la route nationale menant au village de la Lézardière. À pied et sans lumière, il connaît bien la route, il ne crains rien, qui plus est, légèrement insouciant à en croire sa dernière activité. Vers 23H, le voilà qui arrive à quelques mètres de son foyer que retentit du buisson d’à coté, un coup de feu, puis un autre et en tout, quatre ! La nuit fracturée par ses bruyants éclats retrouve son calme, l’air de rien. Mais quelques secondes plus tard, le jeune Chaillot est étendu sur le chemin : il vient de recevoir 2 balles de revolver 7mm dans la tête et dans le cou, dont deux mortelles ; il est découvert peu avant minuit, gisant dans une marre de sang.

« Les experts la Mothe-Achard » sont alors dépêchés sur les lieux et ouvrent une enquête. Le docteur Bureau est en charge d’examiner le corps : 3 balles ont été tirées depuis le buisson, de bas en haut et la quatrième fut le coup de grâce, a bout portant. Cependant, rien ne lui a été volé, sa montre et son portefeuille étant toujours en sa possession. Mais quel est le mobile ?
Les premiers temps de l’enquête n’apportent que peu d’indices et le commissaire de la Roche-sur-yon ainsi que la police mobile d’Angers, sur ordre du juge d’instruction des Sables d’Olonne, sont appelés à pousser l’expertise.
La recherche s’enrichit alors des cancans de la commune et dirige les soupçons du côté du valet de ferme de la Chauvinière, a la langue bien pendue : Clément Barbeau, 26 ans, ouvrier agricole et accessoirement, neveu du sieur Archambaud cité précédemment.
Le village de (la) Lézardière compte en 1921, cinq familles dont la veuve Pondevy, née Marie Remaud, cheffe de famille des Chaillot et des Gaudin vivant « à même feu et même pot » ; puis leurs voisins, la famille Archambaud, oncle de Clément Barbeau qui n’était pas sans ignorer les allégations portées sur les Chaillot.
Et ce soir-là, dans la nuit du 11 au 12 décembre 1921, les filles Laîsné, serveuses du bar, témoignent l’avoir vu passer devant le café vers 22h, et se diriger vers la sortie du bourg. De plus, les époux Couthouis, épiciers de la commune, affirment avoir vu à proximité des lieux, un homme de même gabarit que Barbeau peu avant 23h. Il devient donc le suspect numéro1.
La police l’interroge donc au sujet d’une éventuelle possession d’armes mais il leur répond négativement, il n’en possède plus. Il avait bien un vieux fusil Allemand mais il s’en est défait l’année précédente, en le jetant dans une marre ; point confirmé après investigation, dans la marre de la Chauvinière. Cependant, les témoins, Robin et Masson, reconnaissent que Barbeau détenait bien un pistolet et un revolver qu’il avait ramené de l’armée et dont il s’était vanté, mais, niant les faits auprès de la police – qui ne mit jamais la main dessus – les preuves ne purent être apportées.
Dans les faits, Barbeau fut en octobre 1921, victime d’un coup de pied de cheval l’obligeant à recourir à un médecin. Mais dans son esprit, ça n’était pas qu’un simple coup de cheval, c’était un « coup du sort » et le responsable ne pouvait être que le jeune Eugène Chaillot ! Celui-là même qui fut, soi-disant, responsable de la mort du bétails de son oncle, huit ans plus tôt. Barbeau demanda à son beau-frère Bonnamy de l’amener voir un guérisseur réputé de la Roche-sur-yon, le dénommé Thouzeau, médecin, masseur et éventuellement, escroc, vous allez comprendre.
Thouzeau, affirma bec et ongle, après s’être trouvé en contact avec le mouchoir du malade, que Barbeau et sa famille, étaient bel et bien envoûtés. Il alla même plus loin en précisant que le sortilège provenait d’un membre d’une famille de sorcier! Ni une, ni deux, le raccourci fut vite fait ! Le guérisseur proposa alors un désenvoûtement, en indiquant la méthode à suivre : piquer 13 épingles sur un morceau de lard, envelopper le tout dans une vieille guenille puis, l’enfouir dans le coin du jardin. Barbeau s’exécuta à réaliser le désenvoûtement avec l’aide de son beau-frère qui participa activement à la mascarade, en allant lui-même, enterrer le paquet dans le jardin.
Dans ces circonstances, et lors de son retour sur SGP, Barbeau affirma à ses collègues Richard, Arthur, Bernard et Masson, que le responsable de son état était bien le petit fermier de la Lézardière et qu’il comptait lui faire payer de sa vie.
Tout pousse à croire donc, qu’Eugène Chaillot à été victime de la vengeance de Barbeau. Ce dernier est finalement arrêté et mis en examen dès mars 1922. Néanmoins, on demande à poursuivre les recherches et le commissaire de police de la Roche envoyé chez le sieur Thomazeau pour un interrogatoire et une perquisition, assista à un drame supplémentaire : le guérisseur suite à ces dénégations prétexte aller chercher quelque chose dans la pièce d’à côté, s’y enferme et plaça son fusil sous son menton pour finalement, se donner la mort. La police retrouva dans les effets personnel du guérisseur des écritures et ordonnances permettant de l’inculper de médecine illégale et d’escroqueries.
L’audience du procès Barbeau eut lieu le mercredi 26 juillet 1922 aux Assises de Vendée. C’est face au Président du tribunal, M. Aylies , ainsi que face à MM. De Lapeyre, Juge au tribunal de la Roche et Laconte, Juge suppléant au tribunal des Sables, que M. Proust Procureur de la République, soutint l’accusation devant Me Brianceau, Avocat au barreau des Sables et défenseur de Barbeau. L’accusé bénéficiant d’un solide alibi de ses maîtres, le couple Richard, affirmant tous deux, que Clément Barbeau se trouvait bien à la maison et dans sa chambre entre 21h et 23h : madame l’aurait vu au moment où elle allait se faire sa petite tisane du soir vers 21h, et monsieur l’aurait vu dormant, en rentrant des vignes sur les coups de 23h. D’autre part, l’arme du crime ne fut jamais retrouvée. Me Brianceau, « dans une habile plaidoirie demanda alors l’acquittement de son client », ce que la Cour ordonna, un quart d’heure après. À 18H35, le 26 juillet 1922, la séance fut levée, n’octroyant ainsi aucune justice à la famille Chaillot.
Barbeau suite à ces évènement, alla retrouver sa famille d’origine sur Venansault puis, à Paris où il exerçait la fonction d’employé de chemin de fer, fonction précédemment exercée lors de son armée et durant la grande guerre. En 1924, il épousa Marie Ratouit, à la Ferrière et les deux partirent s’installer dans le département du Val d’Oise, où en juillet 1971, la grande faucheuse saisit C. Barbeau, 76 ans, père de eux enfants.
Sources : AD85 – Presses anciennes (l’Ouest éclair, le Messager de la Vendée, l’Etoile de la Vendée) 1922.